Dictionnaire Critique de l’Église

Ce dictionnaire est rédigé dans le contexte des sciences sociales. Pour cette raison, il aborde le sujet de l’Église comme élément culturel de notre société européenne. Du coup, est-ce un travail pertinent pour la recherche théologique ? Est-ce que les institutions ecclésiales peuvent se servir de ce dictionnaire et aussi trouver des outils de réflexion ?  

Présentation 

En septembre 2023, Frédéric Gabriel, Dominique Iogna-Prat et Alain Rauwel – trois historiens en sciences sociales de Lyon – ont publié le dictionnaire critique de l’Église. L’enjeu de ce long travail était d’offrir un outil de recherche qui valorise le sujet de l’ecclésial aujourd’hui. Ainsi, ce dictionnaire présente des termes sur l’Église, pertinents pour aujourd’hui. On peut y voir l’entrée Administration et Hiérarchie tout comme Esprit et Charisme. Ces termes sont expliqués dans des articles de 10 à 20 pages chacun.  

Dans ce dictionnaire, il ne faut pas s’attendre à une définition précise de chaque terme. Il s’agit plutôt de nous ouvrir à la réflexion sur les sujets ecclésiaux actuels. Dans ce sens, les articles commencent souvent par une historiographie qui offrent les outils de réflexion et propose des arguments critiques d’auteurs et d’autrices. Par exemple, la notion communauté/communion présente une récente et brève historiographie de l’ecclésiologie de communion, notion dévelopée dans l’oecuménisme. Ensuite, les auteurs argumentent en faveur d’une nécessaire distinction entre communauté et Église en science sociale. Ils font ceci en décrivant la signification d’ekklesia qui ne peut être traduit par « communauté » durant les premiers siècles. Ainsi l’histoire de ces deux termes déconstruit notre compréhension afin de montrer qu’il faut « dédramatiser la communauté »1.  

Pour discuter de l’ecclésial, les trois historiens ont invités près de 70 chercheurs et chercheuses de différentes matières universitaires et confessions (avec une majorité catholique romaine). On peut donc lire une notion rédigée par un théologien luthérien et, juste après, une autre par un sociologue d’une faculté catholique. Cependant cette diversité de perspectives n’atténue pas l’unité du travail. Les entrées  sont reliées par des rappels à d’autres entrées présentes dans le livre. Cette unité est le fruit d’un long travail car, pendant 8 ans, les auteurs et autrices se sont réunis pour discuter et relire les entrées des uns et des autres.  

Évaluation  

Premièrement, ce dictionnaire est un outil de recherche précieux pour toute personne qui tente de cerner l’ecclésial d’aujourd’hui en milieu francophone européen. Son approche pluridisciplinaire et historiographique offre de nouvelles questions à se poser pour l’Église aujourd’hui. 

Deuxièmement, ce dictionnaire représente tout de même un contexte ecclésial spécifique. S’il a pour but d’être œcuménique, il est rédigé dans un contexte majoritairement catholique et le lecteur ou la lectrice protestant.e peut se sentir quelque fois frustré de sa lecture. Puisque la majorité des auteurs et des autrices ont une compréhension catholique de l’Église, les sources des entrées sont souvent des textes catholiques peu connus dans le milieu protestant. Ainsi le lecteur et la lectrice à le sentiment d’une insatisfaction par les sources proposées qui sont peu reconnues dans le contexte réformé suisse.  

Finalement, il me semble nécessaire de se poser une question sur l’interdisciplinarité de ce travail. Ce travail monte l’intérêt de parler de l’Église en science sociale aujourd’hui mais que dit-il aux théologiens et théologiennes ? Pour les éditeurs, ce livre est un pari de dialogue entre la théologie et les sciences sociales. Je suis tout à fait d’accord avec ce propos mais il pose une autre question : si les sciences sociales peuvent travailler sur l’ecclésial, qu’est-ce que le ou la théologienne a encore à dire sur l’Église ?  

À mon avis, le dictionnaire invite les théologiens et théologiennes à mieux se situer dans la recherche ecclésiologique. Dans la matière de l’ecclésiologie, il y a plusieurs manières d’aborder l’Église : la descriptive, la normative et la prescriptive. Ce dictionnaire, qui à choisit d’aborder que le descriptif, se concentre donc sur ce qu’on appele l’ecclésial.  En tant que théologienne, je pense que nous n’abordons pas que l’ecclésial mais tâchons d’englober la totalité de la matière de l’ecclésiologie. Nous étudions l’Église à la fois comme sujet et comme objet. Nous mettons en dialogue les discours descriptifs, normatifs et prescriptifs pour faire sens de l’Église aujourd’hui. Ainsi, les travaux des sciences sociales – comme ce dictionnaire – doivent être pris en compte par les acteurs et actrices d’Église, pour l’utiliser comme un outil de recherche et pour affirmer leur position théologique face aux sciences sociales.  

Adressé à qui ?  

Ce dictionnaire est pour toute personne intéressée à comprendre des notions liées à l’Église dans la société européenne d’aujourd’hui. Il est aussi adressé par celles et ceux qui souhaitent comprendre les différences et similarités confessionnelles. Toutefois, le lecteur ou la lectrice doit garder à l’esprit que le dictionnaire est surtout rédigé dans un contexte ecclésial catholique romain avec la laïcité française en arrière-plan. 

Frédéric Gabriel, Dominique Iogna-Prat et Alain Rauwet (dir.), Dictionnaire critique de l’Eglise. Notions et débats de sciences sociales, Paris, PUF, 2023.  

Emma van Dorp est assistante en théologie systématique à l'université de Genève, elle prépare un doctorat sur la foi communautaire en milieu réformé. 

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Emma Van Dorp

Assistante et doctorante en théologie systématique

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