Elargir la table | Foi et Constitution (COE)

Le début du pèlerinage pour la nouvelle commission de Foi et Constitution 

La première rencontre de la nouvelle commission de Foi et Constitution a eu lieu à Tondano, en Indonésie, du 1er au 8 février 2023. En 1927, des chrétiens (plutôt des hommes protestants) ont créé la Conférence de Foi et Constitution afin de travailler sur les sujets dogmatiques qui divisent la communauté chrétienne. Depuis 1948, la Conférence est devenue une commission du Conseil Œcuménique des Églises, en se joignant avec la Conférence du Christianisme Pratique (œuvres d’entraide, ministère social). Elle a permis la rédaction de deux documents de consensus : Baptême, Eucharistie et Ministère (BEM) ainsi que L’Église - Vers une Vision Commune (TCTCV). Dans ces textes, protestants, catholiques et orthodoxes affirment les points communs de leur dogmatique et de leur ecclésiologie. Près de 100 ans après son initiation , le travail théologique de Foi et Constitution a été long et rigoureux mais aujourd’hui, que reste-t-il à faire ? Comment parler d’unité visible dans notre commission pour les huit prochaines années ? Comment développer une ecclésiologie qui s’adresse au christianisme actuel ? Voici la question que nous avions toutes et tous en tête en arrivant à Tondano.

« Élargir la table »

« Nous » représente ici une soixantaine de théologiens et théologiennes du monde entier. Le groupe n’est plus celui qu’il était il y a cent ans car nous avons une dizaine de représentants des églises libres et pentecôtistes, une dizaine de jeunes et plus encore des pays des continents du Sud qu’il n’y a jamais eu dans la commission. Voici une première étape pour mieux représenter notre christianisme mondial. Et pourtant, il faut plus qu’une simple présence. Durant ces six jours de réunions pour organiser notre futur travail, le sujet d’une bonne représentation revenait toujours sur la table (de nos réunions et de nos repas). Il y a un vrai souci pour que le travail de Foi et Constitution s’adresse au christianisme mondial et pas seulement au protestantisme masculin et européen. Pour cela, nous avons beaucoup parlé de méthode et nous envisageons un travail d’écoute avant de continuer la réflexion ecclésiologique de Foi et Constitution.

  1. Une méthode transversale 

À la fin de la rencontre, nous avons établi nos groupes de travail. Dans les prochaines années, nous allons nous concentrer sur trois points qui nous semblent essentiels pour l’unité aujourd’hui : être église (penser l’unité visible et l’ecclésiologie aujourd’hui), être humain (aborder les sujets qui nous divisent comme le transhumanisme et le discernement moral)et être église dans et pour le monde (penser l’Église en lien avec la paix, la violence et la réconciliation). Chaque groupe de travail a décidé d’utiliser le verbe being afin de transmettre que nous sommes en chemin, en mouvement vers l’unité. Un autre point transversal est la volonté d’inclure plus de diversité de voix dans la commission que dans le passé. Finalement, le point sur lequel nous étions aussi toutes et tous d’accord, est la nécessité d’un travail sur la décolonisation de notre théologie.

Décolonialisation

Durant la réunion, le directeur et le modérateur de la Commission de mission et d’ évangélisation nous ont accompagné dans nos réflexions. Ils ont présenté leur travail pour les prochaines années. Celui-ci sera axé sur la spiritualité et la décolonisation de la théologie. Depuis 2010, cette commission a développé plusieurs termes clés pour déconstruire la mission coloniale : de la mission des marginalisés à la mission avec les marginalisés en passant par le disciple en transformation. Mais dans ce travail, la commission a réalisé la nécessité de collaborer avec la Commission de Foi et Constitution. Pour accomplir ceci, la Commission de Foi et Constitution est appelée à transformer sa praxis œcuménique et sa méthode.

Ecclésiologie baptismale

Pour développer une réflexion ecclésiologique différente, la commission a décidé de retravailler le thème du baptême mais d’une autre manière que dans BEM. L’un des trois groupes d’études a pour tâche, dans les 8 ans à venir, de développer une ecclésiologie baptismale. Rien n’est encore précis car tout est à construire ensemble, œcuméniquement.  Mais une chose est claire, cette ecclésiologie a pour but de comprendre et développer le sujet de la synodalité dans l’Église à partir de notre point d’appartenance commun, le baptême.

Je serai dans ce groupe de travail pour les prochaines années. En tant que réformée suisse, j’apporterai notre compréhension de synodalité dans les discussions. En tant que déléguée, je souhaite aussi transmettre, dans notre confession, l’importance de comprendre que toute personne baptisée fait partie de la même famille et les implications de ceci. Ainsi nous redécouvrirons une volonté des réformateurs, celle de vivre une foi individuelle et communautaire.

Nicée2025

Historiquement, le concile de Nicée (325) est l’un des premiers événements marquant qui témoignent de la synodalité de l’Eglise. Ce concile est donc un sujet d’étude, parmi tant d’autres, pour développer une ecclésiologie baptismale. La Commission développera ce sujet lors de sa sixième conférence mondiale qui célébrera les 1700 ans du concile de Nicée, en octobre 2025 en Égypte. Notre réunion a donc été l’occasion de préparer la conférence et d’approfondir le sujet de Nicée. Nous avons eu une présentation sur la relation entre Empire et Église durant Nicée, une autre sur le concile comme exemple d’unité visible et encore une sur Nicée comme signe de louange d’un Dieu qui ne peut être complètement compris et saisi par l’humain.

*

Après ces six jours, notre tâche pour l’unité visible de l’Église est plus claire. Premièrement, nous allons retravailler notre méthode, élargir la table, afin que le travail ecclésiologique représente au mieux le christianisme mondial actuel. Deuxièmement, nous allons nous diviser en trois sous-groupes mais garder en tête des sujets transversaux tel que la décolonisation. Troisièmement, nous allons repenser le thème de la synodalité et son implication à travers notre sixième conférence mondiale. Finalement, cette première rencontre nous a mis en chemin sur un pèlerinage ecclésiologique vers la justice, la réconciliation et l’unité.

Ce programme révèle l’enthousiasme de cette nouvelle commission pour une réflexion ecclésiologique plus inclusive. Toutefois, il me semble que nous devons garder en tête la limite de nos capacités. Notre groupe représente mieux le christianisme actuel mais il n’est toujours pas ce qu’il devrait être (avec une majorité européenne parmi les régions représentées). Sachant que le centre du christianisme n’est plus dans les pays de l’occident, la commission vas tenter de changer de méthode de réflexion afin d’être d’abord à l’écoute des théologies contextuelles. Cependant, nous savons bien que, par notre nature humaine, nous avons tendance à essayer de contrôler le discours théologique plutôt que de se laisser transformer par une autre théologie. Pour cette raison, à mon avis, nous n’arriverons pas à proposer une réflexion complètement inclusive à la fin de notre mandat. Toutefois, ayant conscience de ceci, j’espère et prie de tout cœur que nous aurons fait de notre mieux.

Emma van Dorp est assistante en théologie systématique à l'université de Genève, elle prépare un doctorat sur la foi communautaire en milieu réformé.

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Emma Van Dorp

Assistante et doctorante en théologie systématique

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4 réponses

  1. Merci pour cet enthousiasme que je lis entre les lignes. Je vois émerger une génération de théologiennes et théologiens qui veulent renouveler l’église. Je me rejouis. Je suis un pasteur de 60 ans et toujours fascine par tant de personnes merveilleuses dans les eglises. Meme si parfois je me souhaiterai plus de pertinence theologique et plus de courage. Bon vent ecclesiologique!

  2. Merci Emma,
    cela fait plaisir de voir que les thèmes dominants de l’Assemblée de Karlsruhe et ton engagement sont suivis d’actions. Si jamais l’exposé sur Empire (que tu mentionnais dans une première version mais qui a disparu du blog?!) est disponible, cela m’intéresse. Content de savoir que la notion de transformative discipleship va être l’objet de vos regards et connectée à la question du baptême. tous mes voeux et à la revoyure une fois à Genève!

    1. Merci à toi Serge pour le commentaire !
      Il ne me semble pas avoir fait d’exposé sur Empire mais si j’en parle un jour, je te tiens au courant.
      Avec plaisir de se voir une fois sur Genève !

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