Eglises et écologie. Une révolution à reculons

Christophe Monnot et Frédéric Rognon (éd), Labor et Fides, Genève, 2020, 209 p.

Présentation du livre

Ce livre facile d’accès, trace l’émergence de la conscience écologique dans l’univers théologique et œcuménique. Et pose la question de la lenteur des institutions ecclésiales à faire leur et dans les moindres recoins de l’activité ecclésiale des trouvailles et pistes esquissées depuis les années 60. Il fallait l’encyclique papal Laudato Si de 2015 pour réveiller également le protestantisme qui a oublié ses trésors de réflexions sur la création et les conséquences à en tirer pour les croyants.

Ouverture

Un livre préfacé par Dominique Bourg est prometteur. Le philosophe retraité se rallie au constat : les prises de position des Eglises, les avertissements des milieux d’Eglise dans le monde et les théologies de la Création créatives, n’ont eu que très peu d’impact sur les fidèles dans les Eglises. Car prendre au sérieux ces discours de mise en perspective de la foi chrétienne, ou philosophique, ou scientifique, viendrait à devoir changer de style de vie et de critiquer fondamentalement la société industrielle générée dans les pays les plus christianisés. Cela est difficile. Mais le professeur français honoraire de l’Université de Lausanne questionne la théologie. Pour Dominique Bourg, la question spirituelle est au cœur de la catastrophe écologique. Et cela concerne en premier chef la théologie. Elle a une tâche importante et doit apporter sa contribution.

Un parcours important de la théologie

Les deux premiers chapitres ratissent large. D’abord le choc du texte de Lynn White Jr. publié dans la prestigieuse revue Science en 1967 et qui accuse les Eglises d’être massivement responsables de la crise écologique. La prise de conscience que le christianisme est à la fois « le poison et l’antidote » (F. Rognon, p. 44) a amené à la publication de l’encyclique populaire Laudato Si en 2015. Cette mise en lumière des thèses de White et l’élaboration de l’encyclique est originale et éclairant. Un constat radical et une réponse théologique. Le Conseil œcuménique des Eglises n’a pas non plus chômé sur ce sujet. C’est déjà à l’Assemblée en 1961 que, pour la première fois, les préoccupations écologiques sont évoquées, non sans hasard, car c’était le début de la participation d’un plus grand nombre d’Eglises orthodoxes. Le livre nous aide, sur des pages denses et bien résumées, de voir le chemin parcourus sans véritables prises de consciences à la base de l’Eglise. La 7e Assemblée en 1991 était la seule à faire explicitement référence à la Création dans son thème : « Viens, Esprit saint – Renouvelle toute la Création ». Les textes adoptés à Busan/Corée du Sud en 2013 sont d’une grande profondeur théologique, résumant le parcours de 60 ans de travaux au sein du Conseil œcuménique des Eglises. « Le paradigme christocentré a laissé la place à une théologie trinitaire, avec un accent pneumatologique. Elle ouvre un horizon eschatologique de rédemption, de libération et d’espérance. » (page 77).

Quelques voies tortueuses

Les cinq chapitres suivants retracent d’autres chemins, plus confidentiels, plus tortueux aussi. Celui du protestantisme français qui peinait à s’approprier les acquis du C.O.E, puis celui de l’Allemagne, plus politisée et plus ancrée dans la théologie de la Création, nourrie, de manière certes polémique, par le grand théologien allemand Jürgen Moltmann qui dominait largement la réflexion par son livre Dieu dans la Création, publié en 1985. Les deux chapitres suivants surprennent, décalés par rapport à ces textes massifs et internationaux. Un chapitre sur les botanistes catholiques du 19e siècle et leur lien critique avec le darwinisme, un dialogue serré entre foi et science. Et le chapitre suivant nous mène aussi sur des domaines bien curieux. Son titre : “L’écologisme d’une institution jésuite au prisme de la justice sociale”. Comme si on avait voulu remplir ce livre de pages supplémentaires. Avant de venir sur ce que cela peut signifier pour l’Eglise locale et la paroisse, le livre nous introduit dans la dimension de la théologie de la libération à couleur verte. C’est le grand Leonardo Boff qui a pris ce virage écologique à partir de la libération non seulement des peuples, mais aussi de la création toute entière. La théologie devra prendre en compte cette articulation.

Et alors dans la paroisse ?

Le dernier chapitre avant la conclusion est l’aboutissement concrète de la pensée éco-théologique : l’engagement vert de la paroisse. Il y a certes la préparation théologique, si peu lue et entendue. Puis il y a la pression sociale, l’engouement de l’engagement écologique dont l’Eglise doit empiéter le pas. Et finalement, les Eglises ont aussi des œuvres qui contribuent à l’interpeller et la faire avancer. Mais à la base il y a le paroissien, la paroissienne, hésitant entre par exemple le discours écoresponsable du pasteur et son enracinement plutôt conservateur, le pasteur eco-scéptique et les paroissiens très engagés. Dans de nombreuses paroisses l’impossible vision commune de tous de la nécessaire transformation écologique fait que finalement peu de choses courageuses se réalisent et l’adaptation se réduit à quelques panneaux solaires ou une autre machine à café. Ce 8e chapitre mériterait presqu’un tiré à part pour distribution large dans les paroisses afin de favoriser la prise de conscience, non pas de la crise climatique, cela semble largement acquis, mais des impasses et possibilités dans une paroisse.

Pour qui ?

Certainement à mettre dans la bibliothèque de tout pasteur. Le livre ouvre de moultes pistes théologiques et démontre par-là que la thématique est passionnante et diverse. Il peut aussi intéresser des personnes acquises à la cause qui veulent s’enraciner dans la réflexion de l’Eglise. Finalement, il servira aussi de contre-discours aux découragés de l’Eglise en matière d’écologie, car il montre que le thème est bien présent, mais attend une transposition dans la vie quotidienne des paroisses, ses activités, ses enseignements et liturgies.

Pour aller plus loin

Les auteurs ont écrit une sorte de 2è tome, sans le nommer ainsi, mais qui fait la part belle à différentes explications de ce que peut déployer une théologie verte dans un livre publié en 2021, La nouvelle théologie verte, mêmes éditeurs.

Christophe Monnot et Frédéric Rognon (éd), Eglises et écologie. Une révolution à reculons, Labor et Fides, Genève, 2020, 209 p.

Martin Burkhard est pasteur, Responsable de programmes de coopération avec les Eglises à HEKS/EPER.

Facebook
WhatsApp
Twitter
Email
Martin Burkhard

Martin Burkhard

Pasteur

Alle Beiträge

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo.Lorem ipsum dolor sit amet consectetur adipiscing elit dolor