La Concorde de Leuenberg (1973) est une innovation ecclésiale décisive : elle permet de vivre et de manifester l’unité de l’Église tout en conservant les différences confessionnelles. Elle signe le début d’une nouvelle ère de l’œcuménisme. Après 50 ans de vie, André Birmelé propose un état des lieux du chemin parcouru.
André Birmelé est théologien et pasteur luthérien, professeur émérite de théologie systématique à la faculté protestante de l’université de Strasbourg (1983-2014). Il est actif depuis 1974 au sein du Centre d’Étude Œcuménique de la Fédération Luthérienne mondiale. Il s’est engagé dès le départ dans les travaux de la Communion des Églises Protestantes d’Europe.
Le livre d’André Birmelé est le testament d’un travail collectif, patient et méticuleux en vue de l’unité de l’Église. Il présente à la fois l’histoire de la communion d’Église issue de la Concorde de Leuenberg, mais également ses acquis principaux tant du point de vue de la méthode œcuménique que du point de vue de la compréhension doctrinale de l’Église.
Pour rappel la Concorde de Leuenberg, signée dans le canton de Bâle-Campagne en 1973, marque la fin de la rupture ecclésiale entre différentes traditions confessionnelles protestantes en Europe.
Les trois premiers chapitres sont dévolus au texte fondateur qu’est la Concorde de Leuenberg. On y trouvera une reproduction du texte de la Concorde (1), une recontextualisation historique et théologique des débats (2) et un commentaire théologique du texte (3). Ces chapitres montrent également comment la Concorde réussit à mettre en œuvre une conception inédite de l’unité ecclésiale : en partant d’un accord quant à la « Compréhension commune de l’Évangile » (CL § 6-12 ; 31), elle arrive à réaliser une communion qui affirme en son cœur l’existence de différences confessionnelles.
Les trois chapitres suivants présentent les effets constructifs de la Concorde au sein de la communion d’Églises qu’elle a fait naître et dans le dialogue œcuménique en général. Birmelé retrace les travaux et les évolutions institutionnels de la CEPE au fil des assemblées générales (4) ainsi que les effets de la Concorde dans le dialogue œcuménique (6). Un chapitre entier est dévolu à l’ecclésiologie de la CEPE (5).
Un dernier chapitre met en exergue de manière synthétique l’innovation qu’apporte la Concorde de Leuenberg dans le dialogue œcuménique et les défis qui l’attendent encore. L’auteur y souligne deux points qui me paraissent significatifs : 1. le centre matériel la communion se trouve dans le culte. C’est en lui qu’est en effet rendu manifeste le don à la source de l’existence de l’Église – et donc aussi le don de son unité. 2. Le consensus au sujet de la compréhension de l’Évangile ne délimite pas une base minimale pour la communion, mais donne la règle qui permet à la communion de se déployer dans un dialogue continu, dont les accents et les points chauds changent au fil de son histoire. Car « [t]oute question, même la plus anodine, peut devenir le lieu interdisant la communion dans la célébration du culte » (p. 210).
Je veux le dire d’emblée : ce livre devrait se trouver dans toute bibliothèque théologique protestante.
D’une part, il propose une synthèse réussie de l’état actuel de l’ecclésiologie et du dialogue œcuménique intra-protestant en Europe. Il référence également les textes et sources principales pour le développement ecclésiologique de la CEPE et de ses différents horizons de dialogue.
D’autre part, ce livre atteste aussi de la fin d’une époque. Il présente l’histoire d’une communion d’Église qui est surtout l’œuvre d’une élite intellectuelle et internationale qui a réussi à faire adhérer une majorité d’autorités ecclésiales à leur vision. Il n’a pas en vue une nouvelle manière de travailler, comme l’atteste par exemple le projet Young Theologians et le livre Theology of Diaspora qui y est lié.
Un dernier point que je souhaite relever : Birmelé souligne que la CEPE ne vit pas l’unité malgré les différences. Mais il y aurait sans doute un pas de plus à faire en dessinant l’histoire et la dynamique d’une unité qui se vit aussi « par la différence » (Oscar Cullmann 1902-1999). Une telle perspective au développement soigneux d’une confiance mutuelle qui permette de faire face aux confrontations. La convivence est une dimension tout aussi centrale que celle qui s’exprime dans l’articulation du consensus – car le consensus exprimé par la Concorde risque toujours de masquer un différend que seul Dieu peut porter à l’unité.
Ce livre est un outil indispensable à toute personne engagée dans le dialogue œcuménique européen, ainsi qu’à toute personne s’interrogeant ou réfléchissant à la conception protestante de l’Église.
André Birmelé, La Concorde de Leuenberg. Cinquante ans de communion ecclésiale 1973-2023, Olivétan / Cerf, 2023.
Pour un résumé plus détaillé de ce livre, vous pouvez consulter la recension sur le blog personnel de Elio Jaillet.
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