Pluralité et engagement au sein de la CEPE

La vocation des églises

La vocation des Eglises chrétiennes – tout comme des religions – en Europe demeure inchangée : vivre réconciliées, demeurer liées et se supporter mutuellement, encourager l’engagement chrétien commun et la co-appartenance humaine, malgré la peur de « l’étranger », de « l’autre » et de l’avenir incertain.

Les Eglises n’y sont pas des modèles pour leurs contemporains. Bien plutôt, comme elles traversent les mêmes peurs et les mêmes soucis, elles peuvent leur rendre compte des possibilités inattendues qu’elles ont pu expérimenter en tant que communion ecclésiale

L’expérience de la Communion d’Eglises protestantes en Europe (CEPE), issue de la Concorde de Leuenberg, est une dynamique de réconciliation d’Eglises de l’Atlantique à l’Oural, réalisée même entre des peuples encore en conflit.

C’est une révolution: des Eglises issues de la Réforme, autrefois séparées, sont à présent réunies en Europe comme une Eglise – et ceci sans renoncer à leur diversité. Une Eglise ! Non en tant qu’union qui laisserait disparaître les confessions et les structures propres à chacune, mais en tant que communion, au sens maximal du terme.

Fondées sur l’accord dans la compréhension de l’Evangile, exprimée dans la doctrine de la justification, les Eglises ont pu se déclarer mutuellement en communion dans la prédication et les sacrements, reconnaître leurs ministères et surmonter leurs séparations. Elles poursuivent le travail théologique, coopèrent dans la diaconie, partagent le culte et la vie liturgique qui permettent d’approfondir toujours davantage une « communion dans la diversité réconciliée » dans toute l’Europe. La CEPE s'est aussi fixé pour engagement le dilaogue avec les autres Eglises, et toujours davantage également avec d'autres religions.

Cette interaction entre communion et diversité, entre l’étendue européenne et la valorisation contextuelle relève par endroits d’un exercice de funambulisme. Les egos ecclésiaux et locaux doivent être surmontés. L’expérience d’une communion à la dimension de l’Europe est donc particulièrement précieuse pour remplir ensemble la tâche socio-politique nécessaire en Europe: soutenir la démocratie, défendre les droits humains, la justice et les relations de fraternité et sororité.

Ma présentation sera construite sur quatre fondements:

  • Les vécus de relation et de réconciliation possibles dans une communion ecclésiale fondée sur le culte au service de Dieu et au service des humains
  • Une revisitation du passé, critique et apaisante, impliquant conversion et réconciliation là où cela est nécessaire
  • Une théologie engagée, de miséricorde pour la faillibilité – mais sans affaiblir la radicalité de l’Evangile
  • Un horizon plus vaste que l’espoir humain: le droit à la foi en une transcendance

Perspectives

Le culte à Dieu est service pour l’humain

Faire expérimenter une communion ecclésiale à dimension européenne par le culte  est une décision subversive. Il ne s’agit pas de célébration d’agrément ou de wellness international, mais de tâches concrètes de réconciliation.

Donner force aux minorités comme signe de l‘Evangile

Les Eglises de la CEPE se sont fixé pour tâche principale de donner force aux Eglises minoritaires et de la diaspora, représentatives des plus faibles dans toute société.

Le prochain n’est pas une affinité élective – Discuter les images de l’ennemi et oser la conversion

Pour les Eglises de la CEPE s’est posée régulièrement la question qui nous préoccupera aussi à l’avenir: que deviendront les images de l’ennemi après les guerres et les barbaries ? C’est dans la reprise critique commune du passé qu’il devint possible d’arriver à des réorientations et à de nouveaux partenariats.

La communion ecclésiale comme accompagnement dans la peur – une méthodologie de la réconciliation

La CEPE a pour compétence de constituer un laboratoire de réconciliation, précisément à travers ses propres difficultés et processus d’apprentissage.

  • Les Eglises ont tenté de formuler ensemble l’histoire vécue et subie, afin d’interroger les interprétations constitutives de leurs confessions, leurs identités, leurs nationalités.
  • Elles ont reconnu qu’une interprétation du passé reprise sans réinterprétation peut être tout autant fatidique pour les générations suivantes.
  • Le changement d’attitude et la demande officielle de pardon sont décisifs. Là où des Eglises ont ce courage, elles transforment aussi la société et l‘avenir.
  • Le fondement commun de « l’unité dans la diversité réconciliée » (le « consensus différenciant ») n’exige pas de définir le plus d’affirmations communes possibles dans la doctrine. Il s’agit plutôt de tester le fondement comme clé d’autres questions: le consensus dans la foi porte-t-il les différences - et jusqu’où ?
  • Dans les dialogues avec d’autres Eglises et dans d’autres contextes, il ne saurait y avoir de « solution » universelle. Mais le fondement christologique permet de discuter à partir de ce qui est commun, et même de débattre et d’agir ensemble.
  • Afin que les formes de communion demeurent et continuent à être reconnues et maintenues en des temps difficiles, il faut que la communion fasse autorité.
  • Les actions communes, le témoignage et le service partagés trouvent bien davantage d’espace en concertation que dans l’orientation individuelle.

Droit à la transcendance et à la foi

La CEPE devrait avoir pour priorité une christologie courageuse, qui ne reconnaît Jésus pas seulement comme un modèle d’humanité, mais le confesse également comme celui qui a l’autorité de l’Evangile, qui montre le renversement des puissances. Cette proclamation subversive permet d’accorder confiance aux possibilités divines même dans des sociétés sans horizon de transcendance. La théologie et l’Eglise ne poursuivent pas d’abord la sagesse, l’art de vivre et l’auto-épanouissement, mais la libération des peurs, pour le service des humains.


Elisabeth Parmentier est pasteure, ancienne présidente de la CEPE, professeure de théologie pratique à l'Université de Genève.

Elle tiendra une conférence dans le cadre du congrès Suchet der Stadt Bestes (3-5 novembre 2023, Berne). Le titre de sa contribution est "Combien de pluralité la CEPE tolère-t-elle et de combien d'engagement a-t-elle besoin pour assumer sa mission sociopolitique en Europe ? Une proposition dans le cadre du jubilé de la signature de la Concorde de Leuenberg (1973).

Facebook
WhatsApp
Twitter
Email
Image de Elisabeth Gangloff-Parmentier

Elisabeth Gangloff-Parmentier

Prof. Dr. theol.

Alle Beiträge