Théologie queer

Linn Marie Tonstad signe avec « Théologie queer » un ouvrage dense et complet, qui donne un aperçu des discours de la théologie queer, qu’ils soient académiques ou ecclésiaux.

L’autrice

Linn Marie Tonstad, professeure de théologie à la divinity school de la prestigieuse université de Yale aux États-Unis, est l’une des figures de proue de la théologie queer anglophone.

Présentation du livre

Le livre « Théologie queer » est une traduction de l’ouvrage original paru en 2018 sous le titre « Queer theology. Beyond apologetics ». L’écrit est séparé en six chapitres, qui ne suivent pas de fil rouge à proprement parler. Tonstad traite plutôt son sujet en l’abordant sous différentes perspectives.

Le premier chapitre se veut une introduction du sujet de la théologie queer et du livre. Tonstad donne ici une première définition de la théologie queer : « Pour beaucoup, la théologie queer désigne les théologies où 1) la sexualité et le genre sont discutés, 2) et ce de manière à affirmer, représenter ou faire l’apologie de personnes queer. » (p. 14).

Le deuxième aborde les stratégies apologétiques, c’est-à-dire des stratégies de justification et de défense, qui œuvrent pour l’inclusion des personnes queers au sein des Églises et théologies. Tonstad part de la pratique : ces stratégies sont bien souvent présentes dans les débats ecclésiastiques et théologiques. Toutefois, bien que nombre de ces stratégies visent à intégrer les personnes queers, Tonstad critique cette approche, qu’elle juge bien intentionnée, mais mal placée. En effet, de par son essence même, ce qui est queer ne vise pas à s’intégrer dans les structures déjà existantes. Au contraire, le queer cherche à questionner et à dépasser ces structures qui reposent bien souvent sur des éléments que la queerness rejette : une binarité d’identité sexuelle et de genre et une relation au pouvoir non réfléchie et perpétuée, pour n’en citer que deux. Tonstad reprend ces éléments dans le troisième chapitre, après avoir exposé ce dont elle se distancie dans le précédent.

Le troisième chapitre expose donc la compréhension et définition du mot queer. Partant des discours académiques, Tonstad définit queer non pas comme une catégorie d’identité, comme décrit plus haut, mais comme une relation au pouvoir. Par conséquent « queer doit être un terme utilisé pour, et désignant, les personnes non normatives et marginales » (p.118).

Le quatrième chapitre aborde les liens entre la théologie, le sexe et l’argent et présente l’une des figures pionnières de la théologie queer : la théologienne argentino-britannique Marcella Althaus-Reid (1952­–2009). Althaus-Reid met l’argent et le sexe, et par là, les asymétries de pouvoir et les catégories normatives au centre de sa réflexion théologique. Bien plus que ses arguments, le sexe imprègne jusqu’à son langage.

Le cinquième chapitre aborde plusieurs « théologies queers à venir », dont l’écothéologie par exemple. Le sixième et dernier chapitre nomme plusieurs ouvrages de références et suggestions de lectures complémentaires.

Appréciation

L’approche de Tonstad traduit bien l’hétérogénéité des discours, de la scène et de l’histoire queer. Ceci a toutefois le défaut de ne pas contribuer à l’accessibilité de l’ouvrage et du sujet pour les personnes qui le rencontreraient une première fois. En effet, bien que partant de débats et d’arguments existants, les deux premiers chapitres présupposent une certaine connaissance des débats et enjeux. Et bien que le premier chapitre se nomme « Qu’est-ce que la théologie queer ? », il n’y répond finalement que très brièvement et de manière provisoire.

Je conseille donc aux personnes qui n’ont pas encore été au contact de la théologie queer, de son vocabulaire et de son horizon discursif de commencer par le chapitre trois « Théologie, sexualité et la question du queer ».

L’autre versant de cet élément qui peut s’avérer dissuasif pour les personnes non chevronnées, peut au contraire attirer les plus habituées. L’analyse des stratégies apologétiques et de leurs arguments est un aspect assez novateur pour ce genre d’ouvrage.

Il me semble que cet écrit s’adresse en premier lieu à un public académique ou tout du moins averti. Bien qu’il semble se comprendre comme une introduction à la théologie queer, ce livre n’est pas un ouvrage grand public. Le besoin de livres d’introduction sur ce sujet est toutefois nécessaire, dans le domaine académique également, car la théologie queer est premièrement encore un jeune courant et deuxièmement un courant qui se revendique de la marge, ce qui la rend peu connue et peu adoptée.

« Théologie queer » s’impose toutefois comme un ouvrage de référence, en raison de l’exhaustivité des thèmes et arguments abordés et de sa structure, qui permet de lire les chapitres de manière indépendante.

Linn Marie Tonstad, Théologie queer, Genève, Labor et Fides, 2022 (traduction française par Apolline Thromas).

Lara Kneubühler est doctorante en théologie systématique à l’Université de Berne. Elle se spécialise en dogmatique ainsi que sur la théologie queer/féministe.

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Lara Kneubühler

Doctorante en théologie systématique à l’Université de Berne

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