On entend par renvoi forcé le rapatriement sous contrainte de personnes migrantes ne possédant pas de permis de séjour valable en Suisse. Sont renvoyées les personnes qui ne veulent pas retourner volontairement dans leur pays et se trouvent par exemple en détention en vue du renvoi ou de l’expulsion. Les renvois et expulsions doivent respecter les principes de l’État de droit. Les dangers qui pourraient menacer les personnes dans leur pays d’origine doivent être clarifiés avant le renvoi. Sinon, celui-ci est illicite.
Conformément à la Directive retour de l’UE, la Suisse est tenue de « mettre sur pied un système efficace pour contrôler les renvois ». L’objectif est de s’assurer que la dignité des personnes renvoyées ou expulsées soit préservée et que les principes de l’État de droit soient respectés durant la procédure de rapatriement.
À cet effet, il s’agit d’établir un système de contrôle permettant d’observer et de documenter de manière indépendante la procédure de renvoi. Le contrôle crée des structures transparentes et vérifiables grâce auxquelles non seulement les personnes appelées à être renvoyées, mais aussi le personnel chargé du renvoi peuvent être protégés efficacement contre les agressions et les suspicions.
La collaboration de la FEPS fait suite à une demande de l’Office fédéral des migrations. Dans une situation aussi complexe et difficile, l’Église possède des compétences en matière de modération et de médiation dont la politique a besoin. C’est au nom de l’être humain et de la défense de ses droits que la FEPS a décidé d’accepter ce mandat pendant la phase pilote de six mois. Dans ses précédentes déclarations sur l’éthique des migrations, la Fédération des Églises s’était déjà beaucoup engagée en faveur d’un tel instrument de contrôle, et sa position concorde largement avec celle d’autres Églises d’Europe.
L’engagement de la Fédération des Églises vise à garantir un traitement digne et conforme à l’État de droit des personnes appelées à être renvoyées ou expulsées, tout en protégeant l’intégrité physique et morale des policières et policiers concernés. Tant qu’il y aura des renvois, l’État et la société ont le devoir de veiller à ce que ces procédures ne violent pas les principes de la dignité humaine et de l’État de droit.
L’instrument de contrôle s’inspire d’une idée très ancienne de la définition des rapports entre l’Église et l’État. Se fondant sur la tradition prophétique de l’Ancien Testament, les protestants estiment que l’Église est investie d’une mission publique et doit exercer une fonction de surveillance prophétique ou politique.
Concrètement, et comme l’a formulé le théologien Dietrich Bonhoeffer dans son éthique, il s’agit en l’occurrence de savoir si l’action de l’État « peut être assumée par celui-ci comme une action étatique légitime, c’est-à-dire comme une action créatrice d’ordre et de droit et non de désordre et d’absence de droit » (Éthique).
Les observateurs suivent le transport jusqu’à l’aéroport, les préparatifs du vol, le vol et l’arrivée dans le pays de destination. Ils établissent un rapport à l’intention de la commission spéciale nouvellement constituée, au sein de laquelle collaborent aussi bien des représentantes et représentants de la Confédération et des cantons que de la société civile. La commission analyse les rapports et élabore des recommandations. À la fin de la phase pilote, un rapport final sera rédigé à l’intention de la Confédération. Le système de contrôle est organisé en tant que projet pilote. Durant cette période, la FEPS assume le patronage et dirige les débats au sein de la commission spéciale.
La FEPS défend les personnes appelées à être expulsées, et non la législation en matière de renvoi. S’engager pour la protection des personnes expulsées est une chose. Soutenir l’instrument du renvoi en est une tout autre. Il est vrai que ces deux objectifs prêtent souvent à confusion et à l’amalgame. Mais cela ne doit pas nous conduire à rester en retrait, car la dignité de traitement d’êtres humains est en jeu. La Fédération des Églises ne peut pas invoquer d’un côté les droits de l’homme pour justifier son rejet de l’initiative sur le renvoi, tout en faisant preuve d’une noble retenue au moment où ce problème se pose concrètement.
Si l’on peut admettre de grandes divergences d’opinion sur l’approbation ou non des renvois forcés, le respect inconditionnel des principes humanitaires fondamentaux lors de l’exécution des renvois est un point sur lequel on ne saurait transiger. Les droits de l’homme ne sont pas seulement un problème théorique relevant de la grande stratégie politique – il s’agit aussi et surtout d’une tâche pratique à mettre en œuvre concrètement. Aux yeux de la FEPS, faire preuve de retenue serait inconséquent. C’est pourquoi elle s’engage en faveur de l’application des droits de l’homme tant au niveau du débat politique qu’à celui de l’action étatique.
Comme l’a relevé la Fédération des Églises dans son document « Placer l’être humain dans son droit », la dignité humaine et les droits de l’homme « offrent un étalon de référence à quoi l’on peut et doit faire l’examen critique de l’action concrète et de ses orientations normatives ». Cette tâche sans cesse renouvelée découle de la nature de l’homme en tant que créature aimée de Dieu et créée à son image.
Quant à savoir comment cette responsabilité envers la Création et les créatures de Dieu peut déployer ses effets dans une société démocratique, le théologien Karl Barth en a résumé l’essentiel : il faut partir du principe « que les chrétiens doivent non seulement tolérer, mais vouloir l’État terrestre, qu’ils ne sauraient le vouloir comme un État à la Ponce Pilate, mais seulement comme un État de droit ; qu’il n’y a donc pas de moyen extérieur d’échapper à cet autre domaine, le domaine politique. » (Justification et droit).
Sachant qu’il n’existe pas de christianisme ni de succession hors de la société dans la-quelle nous vivons, les chrétiens assument dans la succession la responsabilité con-jointe de la société dans laquelle ils vivent. La forme à donner à cette responsabilité est mesurée non pas selon des stratégies politiques, des slogans partisans ou des jugements de goût personnels, mais à la lumière de la Bible, dans la réflexion, l’étude et la prière communes. Pour reprendre les mots du réformateur genevois Jean Calvin, la finalité de l’action est « que l’humanité subsiste entre les humains » (Inst. 1559, IV 20,3).
Le renvoi forcé ne peut être qu’une mesure d’ultime recours. La FEPS l’a déjà souligné en 2009 dans sa réponse à la consultation sur la reprise de la directive sur le retour. Il faut donner la priorité à l’attribution de permis de séjour humanitaires, aux retours volontaires et au soutien au retour. Si un renvoi forcé s’avère malgré tout inévitable, il s’agit alors de veiller à ce que la dignité humaine des personnes touchées soit respectée.
Les renvois doivent toujours être conformes aux droits de l’homme et au droit inter-national et être en accord avec la Constitution fédérale. Chaque cas doit être soigneusement examiné.
L’engagement de la FEPS dans le domaine de la migration vise à défendre le respect de la dignité et des droits humains des personnes migrantes. Le contrôle de l’exécution des renvois s’inscrit dans le cadre de cet engagement : les rapatriements sous contrainte, en particulier, peuvent conduire à des situations délicates pouvant porter atteinte à la dignité des personnes concernées. C’est pourquoi l’UE, dans sa directive retour, prescrit la mise sur pied d’une surveillance des renvois.
Depuis des années, la FEPS porte un jugement critique sur le durcissement frappant le domaine de l’asile et des migrations. Elle attache une importance prioritaire à la protection des personnes persécutées et à l’encouragement de l’intégration des migrantes et des migrants. La résolution adoptée en juin 2011 par l’Assemblée des délégués d’été et dans laquelle elle exige une entrée en matière systématique lors de de-mandes émanant de requérants d’asile fragilisés et vulnérables, même lorsque le traitement de celles-là relève de la compétence d’un autre pays de l’Espace Dublin, témoigne du souci de la FEPS de défendre efficacement les personnes à protéger. En assurant la coordination nationale des services d’aumônerie auprès des requérants d’asile dans les centres d’enregistrement et de procédure, la FEPS apporte une contribution concrète de l’Église dans le domaine de l’asile.
L’Église protestante d’Allemagne (Evangelische Kirche in Deutschland EKD) et ses Églises membres ont participé à la mise en place d’un système de surveillance des renvois en Allemagne. Selon l’EKD, un dialogue permanent s’est instauré entre la so-ciété civile et les acteurs de l’État. L’objectif est d’apporter de la transparence dans un domaine auquel la collectivité n’avait pas accès jusqu’ici. L’EKD constate que son engagement a permis de commencer à lever le tabou sur un sujet porteur d’une grande charge émotionnelle.
En ce moment, on observe une évolution similaire en Norvège : l’Église luthérienne de ce pays soutient la fondation d’une ONG qui serait chargée de surveiller de manière indépendante tous les renvois ainsi que l’ensemble des procédures de renvoi. La surveillance des renvois forcés figure également parmi les exigences prioritaires des Églises au niveau européen. C’est ainsi qu’en 2008, la Churches‘ Commission for Migrants in Europe CCME avait déjà souligné la contribution déterminante de la société civile dans la surveillance de l’exécution des renvois. La FEPS inscrit son action dans le cadre de cet engagement des Églises au niveau européen.
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