Mariage, parentalité, enfants

10 questions - 10 réponses du point de vue de l'Eglise évangélique réformée de Suisse

L'organisation du mariage et de la famille constituait une préoccupation importante de la Réforme. Pour la tradition réformée, le mariage, la parentalité et la famille ont toujours été et restent des espaces de réalité et des champs d'expérimentation de la liberté chrétienne. Les casuels et rituels religieux accompagnent l'ensemble de la vie familiale. C'est dans tout cela que réside l'attention permanente de l'Église pour les questions relatives au mariage et à la famille.

Les évolutions de la société n'épargnent pas l'Église. C'est pourquoi la réflexion théologique de l'Église à ce sujet a besoin d'évoluer et d'être complétée. L'orientation éthique chrétienne ne veut pas arrêter la marche du monde, mais l'accompagner de manière constructive et critique en vue d'une vie bonne. La Réforme fait partie du quotidien et met au défi l'Église et la théologie de revenir sans cesse sur leurs propres livres : rendre compte sans cesse de sa propre espérance de foi (1Pierre 3,15) et examiner sans cesse les nouvelles possibilités pour ne retenir que ce qui est bon. (1Thess 5,21).

En 2021, les électeurs suisses ont approuvé l'introduction du mariage pour les couples de même sexe. En 2019 déjà, le synode de l'Eglise évangélique réformée avait recommandé aux Eglises membres, en cas d'acceptation, de reproduire liturgiquement la nouvelle réglementation sur le mariage. Après la révision du droit matrimonial, la question se pose maintenant des conséquences pour le mariage, les parents, les enfants et les familles. Par le passé, l'Eglise évangélique réformée s'est exprimée à plusieurs reprises sur les défis bioéthiques de la procréation médicalement assistée. Au cœur du diagnostic préimplantatoire non invasif (NIPT), de la fécondation in vitro (FIV) et du diagnostic préimplantatoire (DPI) se trouvaient des considérations éthiques et théologiques sur la protection de la vie et des embryons. Comme les couples mariés de même sexe ne peuvent pas devenir parents sans assistance médicale à la procréation - hormis l'adoption d'un enfant -, de nouvelles questions se posent : qui doit avoir accès à quelles mesures de procréation médicalement assistée pour fonder sa propre famille ?

Le Conseil EKS saisit l'occasion de ce défi pour mener une réflexion théologique et éthique fondamentale. L'éthique théologique participe depuis longtemps de manière intensive aux débats spécialisés en bioéthique. Mais une large discussion au sein de l'Église n'a pas encore eu lieu. Au vu des questions bioéthiques d'une grande portée sociopolitique qui se posent, le Conseil EKS présente une étude théologique et éthique : Mariage, parentalité, enfants. Qu'est-ce qui découle du mariage pour les couples de même sexe ?, Berne 2022. Elle développe et explique les bases théologico-éthiques d'un dialogue ecclésial "pertinent" et "à hauteur d'homme" (Arthur Rich) sur la procréation médicalement assistée dans le contexte du mariage, de la parentalité et de la famille. Le présent texte propose, sous la forme de 10 questions - 10 réponses, un résumé en forme de thèses de cette vaste étude. L'étude et le présent document ne se veulent pas des positions définitives, mais des contributions du point de vue évangélique réformé au processus de formation de l'opinion dans l'ensemble de la société.

L'Assemblée des délégués/synode de la CEC a soutenu à une large majorité l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Mais les questions de procréation médicalement assistée qui ont été soulevées se posent en principe pour tous les couples qui souhaitent fonder une famille. Pour le Conseil de l'EKS, une discussion informée sur le plan biomédical et fondée sur le plan théologique et éthique est indispensable. Puissent les 10 questions - 10 réponses et l'étude enrichir la conversation.

Rita Famos

Présidente de l'EKS

Question 1 : Quelle est la part de l'alliance divine dans l'alliance matrimoniale ?

Par la conclusion de l'alliance (Ex 24), Dieu se lie lui-même à sa création et fait des créatures ses partenaires d'alliance. La force de bénédiction de l'attention divine se rencontre déjà dans la bénédiction de la création (Gn 1,22.28). Après la chute, Dieu renouvelle le lien perturbé entre lui et sa création par une alliance de grâce (alliance de Noé, d'Abraham, de Sinaï). Dans le monde historique, la promesse de l'alliance se réalise dans la rencontre toujours nouvelle et bénéfique de Dieu avec sa création.

La Bible raconte et interprète l'histoire de l'humanité comme une histoire d'alliance qui englobe tous les domaines de la vie. Pour la théologie réformée, le mariage et la famille en font naturellement partie. C'est pourquoi la conclusion du mariage est certes scellée par un contrat d'État, mais elle est fondée sur l'alliance établie par Dieu, dont la bénédiction est demandée lors de la cérémonie de mariage à l'église.

"Alliance" du point de vue de la théologie biblique signifie essentiellement rencontre : au niveau vertical de Dieu et vers Dieu et au niveau horizontal entre les créatures. La caractéristique des relations d'alliance entre Dieu et les hommes et entre les hommes eux-mêmes est la fidélité. Elle se manifeste par une rencontre toujours nouvelle, tournée vers l'autre et reconnaissante, qui rappelle l'alliance et la confirme. L'alliance ne marque donc pas un statut formel tel que celui établi par le contrat de mariage, mais une pratique propre qui constitue la réalité du mariage comme une rencontre toujours nouvelle entre les partenaires de l'alliance. Les gens ne s'unissent pas simplement. Au contraire, l'alliance fait naître les hommes à nouveau en tant qu'alliés. L'alliance avec Dieu ne constitue pas un schéma théologique pour le mariage, mais le mariage apparaît à l'inverse comme un symptôme de l'alliance avec Dieu. Les deux alliances font leurs preuves dans le caractère obligatoire des rencontres récurrentes des personnes ainsi reliées.

Question 2 : Que signifie "vivre" d'un point de vue biblique et théologique ?

La tradition réformée conçoit le mariage comme une alliance établie par Dieu et contractée par deux personnes égales. Il est inclus dans l'alliance de Dieu avec tous les hommes et, comme celle-ci, il se caractérise par l'engagement, l'unicité, la vulnérabilité, le pardon et le renouvellement et la confirmation constants.

Avec les biotechnologies modernes, la notion de vie se retrouve au centre des préoccupations scientifiques (life sciences). Le regard spécialisé profite d'une longue évolution culturelle qui concentre de plus en plus la compréhension de la vie sur ses aspects biologiquement observables et médicalement influençables par la technique. La pensée biblique et antique avait une image incomparablement plus complexe de la vie, comprenant trois dimensions essentielles :

1. ES : la vie biologique objective en troisième personne (zoe en grec, hajjim en hébreu), qui est observée et décrite en tant qu'objet par la biologie et les sciences naturelles et qui fait l'objet d'une intervention médicale ; 2. MOI : la vie biographique subjective en première personne (grec bios, hébreu jamim) qu'une personne mène et qui constitue l'histoire de sa vie ; 3. VOUS : l'unique vie-créature-en-deuxième-personne (grec psyche ; hébreu naepaes), à laquelle les humains participent sans pouvoir en disposer.

Ces trois dimensions réunies constituent la vie d'une personne.

Chaque dimension de la vie a son propre langage : 1. la vie biologique ("elle") est décrite, définie et catégorisée scientifiquement (notions de vie, de santé, de maladie, etc.) 2. la vie biographique ("ma") est racontée, interprétée et ordonnée (bio- graphie, littérature, morale, éthique, droit) ; 3. la vie créée ("notre") est écoutée et racontée ensemble. C'est la vie à laquelle les gens participent sans que ce soit leur vie. Chacune des trois manières de thématiser la vie est liée aux autres, aucune n'est interchangeable avec une autre. La manière dont nous parlons d'une vie détermine ce que nous percevons et attendons de cette vie.

Question 3 : Comment s'articulent la vie biologique, la vie biographique et la vie créée ?

L'ordre des dimensions de la vie est décisif. Le regard biologique objectivant sur la vie est limité par la perspective biographique subjective : la personne autonome détermine si et comment la médecine peut intervenir dans sa vie. Et ce qui oriente la décision de la personne autonome dépend de l'horizon qui détermine le point de vue de la personne sur sa vie. La Bible considère toute vie du point de vue de la créature comme étant déterminée par Dieu, le créateur, le conservateur et le finisseur de toute vie. Alors que la vision biologique part du déterminable de la vie, une vision biblique et théologique commence à l'inverse par le fait que la vie est déterminée. Il s'agit d'approches alternatives de la vie, mais pas de notions de vie concurrentes.

La tradition réformée comprend toujours la vie comme l'unité de sa dimension biologique, biographique et créatrice.

La vie humaine est enchevêtrée dans des histoires. Nous répondons à la question de savoir qui nous sommes en racontant des histoires sur nous-mêmes : Des histoires sur notre évolution dans les réseaux de nos relations et de nos mondes, des histoires sur nos origines et notre patrie, des histoires sur nos convictions, nos espoirs et nos objectifs et des histoires sur nos réussites, nos échecs et nos nouveaux départs. Les différentes perspectives sur la vie s'y rencontrent, inextricablement enchevêtrées. Dans la perspective personnelle, il n'est pas possible de faire la distinction entre la vie biologique, biologique et participative. L'identité devient tangible lorsque la personne qui raconte se retrouve elle-même dans ses histoires, les interprète, les raconte à nouveau et s'y identifie. L'identité réside moins dans ce qu'une personne dit d'elle-même que dans sa capacité à faire l'expérience de l'écoute de soi, de Dieu et des autres, et à l'interpréter en écoutant et en vivant. Cette perception est l'écoute créaturelle qui se fonde sur la compréhension de Paul : "Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi" (Gal 2,20).

L'apôtre ne décrit pas un miracle médical ou un état pathologique, mais vit son existence biologique et sociale comme une participation à la vie de Dieu. La vie biologique et biographique n'en est pas pour autant relativisée. La connaissance paulinienne ne fixe pas de limite, mais place sa propre vie dans un horizon de vie libérateur, dépassant sa propre personne. C'est ce dont parlent les récits bibliques, qui deviennent aussi vivants que ceux qui les écoutent s'y découvrent.

On ne peut pas accéder biologiquement ou biographiquement à la vie qui vient de l'extérieur. Y répondre signifie percevoir et vivre sa propre existence corporelle dans la perspective des récits bibliques. L'organisation et le partage de la vie corporelle se font dans cet horizon.

Selon la tradition réformée, l'action créatrice de Dieu en matière d'alliance et de bénédiction ne se limite pas aux conditions de la causalité biologique et de la généalogie génétique. Il se manifeste plutôt dans la réalité qui naît de l'écoute et du récit des histoires bibliques de la communion de Dieu avec ses créatures.

Question 4 : La procréation médicalement assistée est-elle une bénédiction ?

Les principales méthodes actuelles de procréation médicalement assistée sont le don de sperme et d'ovules, l'insémination artificielle hors de l'utérus (fécondation in vitro), le diagnostic et la sélection d'embryons fécondés artificiellement (diagnostic préimplantatoire) et le diagnostic prénatal (médical : DPN, non médical : NIPT). La conservation des cellules germinales (social egg freezing), la thérapie génique germinale, la transplantation utérine et la maternité de substitution viennent s'y ajouter. Les méthodes pratiquées dans le monde entier ne sont pas autorisées partout et l'accès est réglementé de manière très différente selon les pays.

La loi suisse sur la procréation médicalement assistée limite les mesures de procréation médicalement assistée aux couples qui ne peuvent pas procréer naturellement pour des raisons biologiques et médicales. Sont ainsi exclus les couples homosexuels pour lesquels la parentalité n'est pas possible de manière naturelle dans la relation. Le principe selon lequel il ne faut pas provoquer artificiellement ce qui n'est naturellement pas possible est justifié par le législateur au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les positions théologiques sur la création argumentent que ce qui est naturel correspond à la volonté créatrice de Dieu. La nature y sert de limite morale qui ne doit pas être franchie techniquement.

Une perspective théologique de la bénédiction et de l'alliance part d'un autre point de vue. Le naturel ne constitue pas une norme morale indépassable, pas plus que la reproduction humaine ne se confond avec l'action humaine. Vivre sous la bénédiction de Dieu ne répond pas à la question de savoir ce qu'est la vie, mais à quoi se rapporte la vie. L'action bénie de l'alliance de Dieu se manifeste dans l'histoire de la création. Dieu lui-même, le Créateur, n'est pas soumis aux conditions historiques. Dieu est libre dans sa volonté et son action par rapport aux limitations de la créature. Il les transcende toujours de manière merveilleuse en sa présence.

La naissance de chaque enfant ne raconte pas seulement une histoire médicale ou morale, mais aussi toujours l'histoire de l'action de Dieu qui bénit et crée la vie. Cela vaut bien entendu aussi pour tout enfant conçu et né à l'aide de techniques de procréation médicalement assistée.

Question 5 : Tous les enfants sont-ils un don de Dieu ?

Derrière la procréation médicalement assistée moderne se trouve le droit fondamental à la liberté de procréation individuelle (autonomie reproductive). Il protège les convictions personnelles, les jugements et les décisions concernant sa propre reproduction et se fonde sur le droit de l'homme à disposer de son propre corps. La liberté de procréation personnelle ne donne pas droit à la parentalité, ni à un enfant à soi. Les droits fondamentaux protègent le désir légitime d'enfant, mais ne garantissent pas sa réalisation.

Même à l'ère de la biotechnologie, la naissance d'un enfant marque un début qui échappe à la prévisibilité et à la prédictibilité humaines. Même dans des conditions d'assistance médicale, de contrôle et de planification, la procréation humaine reste un événement dans lequel on peut intervenir, mais qui ne peut pas être fait. Le miracle de la procréation, de la grossesse et de la naissance, dont les hommes témoignent dans la Bible et sur lequel ils sont intervenus avec leurs moyens, ne peut pas non plus être rattrapé aujourd'hui sur le plan technique, médical ou moral. C'est pourquoi Dieu et la procréation médicalement assistée ne se mettent pas en travers de la route. Les remerciements pour la naissance d'un enfant vont alors à Dieu et à la médecine. L'histoire de la bénédiction de la naissance d'un enfant est différente de l'histoire de l'accompagnement par la procréation médicalement assistée en cas de désir d'enfant, sans que l'une n'exclue l'autre. D'un point de vue biblique et théologique, il n'y a aucun doute : chaque enfant est un cadeau de Dieu.

Toutefois, les promesses de la procréation médicalement assistée moderne ont tendance à occulter l'indisponibilité de la naissance. La critique fondamentale de l'Église et de la théologie risque à l'inverse de surestimer les possibilités médicales et d'ignorer l'action bénéfique de Dieu sur un enfant conçu et né avec une assistance médicale à la procréation. L'attente que la volonté de Dieu soit faite s'applique aussi bien au lit conjugal qu'à la procréation médicalement assistée. L'espoir de bénédiction existe indépendamment du fait que le désir d'enfant se réalise ou non. La privation permanente de la vie créée, dans laquelle le don peut faire défaut ou consister en quelque chose de totalement inattendu, doit être reconnue non seulement sur le plan théologique, mais aussi sur le plan médical et moral.

Question 6 : Qu'est-ce qui est indispensable pour un enfant ?

Aucun être humain ne doit son existence à lui-même. Le fait d'être totalement dépendant des autres fait partie des expériences humaines les plus primitives. À aucun moment les êtres humains ne sont plus dépendants, plus tributaires et plus déterminés par autrui qu'avant leur naissance et au cours de leurs premières années de vie. La vulnérabilité particulière de ces phases de la vie se reflète dans le droit et l'éthique. Le droit définit négativement les limites de ce qui ne peut en aucun cas être fait à un enfant. L'éthique reflète positivement les critères normatifs d'une parentalité responsable. Le droit et l'éthique doivent cependant présupposer ce qu'ils ne peuvent eux-mêmes exiger et provoquer : l'attention et les soins immédiats et aimants des parents pour leur enfant. Il en résulte que : Chaque enfant a un droit indéniable à être voulu, aimé, protégé et encouragé pour lui-même. Chaque enfant a le droit d'appartenir, c'est-à-dire d'être 1. grandir dans le réseau social stable et fiable d'une famille 2. être reconnu en tant qu'enfant de ses parents sur le plan juridique, social et sociétal, et 3. connaître son origine génétique et biologique. La reconnaissance juridique et sociale de la parentalité du couple qui est le parent de l'enfant est indispensable pour cela. La procréation médicalement assistée a rendu possible le dédoublement entre la maternité sociale (mère légale), génétique (don d'ovules) et biologique (maternité de substitution) et entre la paternité sociale (père légal) et génétique (don de sperme). La segmentation et la pluralisation de la parentalité ne changent rien à la double exigence de chaque enfant : 1. chaque enfant a une mère et un père et a le droit d'être informé de ses origines 2. tout enfant a le droit d'être reconnu comme l'enfant de ses parents, qui sont sa famille D'un point de vue ecclésial et théologique/éthique, tous les enfants ont le même droit à ce que leurs parents soient reconnus comme leurs parents et eux comme les enfants de leurs parents.

Question 7 : Qu'est-ce qui est protégé par l'intérêt supérieur de l'enfant ?

Selon la compréhension biblique, les enfants - indépendamment de leur origine, de leur mode de procréation et de leur naissance - sont une bénédiction de Dieu. L'intérêt supérieur de l'enfant (best interest of the child) constitue l'objectif normatif de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, adoptée en 1989, qui fixe les droits fondamentaux de l'enfant au niveau des droits de l'homme. Contrairement aux conceptions plus anciennes qui soulignent de manière négative la vulnérabilité et le besoin de protection particuliers des enfants, la Convention relative aux droits de l'enfant se concentre de manière positive sur les intérêts individuels de l'enfant afin de promouvoir sa personnalité, ses talents et ses points forts. L'enfance et l'adolescence acquièrent une valeur intrinsèque dans le droit de l'enfant à vivre aujourd'hui. Parce que l'enfance et l'adolescence façonnent considérablement l'adulte qu'il deviendra, chaque enfant a un droit fondamental à un avenir ouvert. Pour les parents et les tuteurs, le respect de la volonté subjective de l'enfant et la perspective du meilleur intérêt objectif pour l'enfant peuvent entrer dans une relation tendue. Il doit toujours s'agir de faire en sorte que l'adulte que sera l'enfant dispose des libertés et du plus grand nombre possible de capacités pour pouvoir mener une vie autodéterminée, socialement intégrée et ouverte sur l'avenir.

Le législateur justifie la limitation de l'accès à la procréation médicalement assistée aux couples mariés de sexe opposé par l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'agirait d'empêcher les situations familiales qui s'écartent de celles "naturellement possibles[en]". De manière trompeuse, la nature de la procréation est affirmée comme la norme éthique fondamentale pour le bien-être de l'enfant. Cela va à l'encontre du principe éthique fondamental selon lequel on ne peut pas déduire de ce qui est ce qui doit être. Le naturel est souhaitable, non pas parce qu'il est naturel (comme le sont les tremblements de terre et les maladies), mais dans la mesure où il est moralement bon et désirable. Deuxièmement, la réalité précaire de la vie de nombreux enfants montre que le caractère naturel de la procréation ne garantit pas leur bien-être ultérieur. L'un (le fait de concevoir et de naître) n'a rien à voir avec l'autre (le fait que l'enfant grandisse heureux). Troisièmement, la législation aboutit à la conséquence absurde que l'intérêt supérieur de l'enfant ne permet pas de protéger le bien-être des futurs enfants, mais au contraire d'empêcher leur existence. Quatrièmement, l'équation "naturel = pour le bien de l'enfant" est discriminatoire pour les couples qui deviennent parents par des moyens non naturels et pour leurs enfants. Le législateur affirme l'intérêt supérieur de l'enfant non pas par responsabilité pour le bien-être de l'enfant, mais par souci de préserver une image traditionnelle de la famille datant de l'avant-dernier siècle.

Chaque enfant est une bénédiction de Dieu. Le royaume de Dieu se manifeste dans les enfants (Marc 10, 13-16). Son bien-être est une expression de la proximité divine et de la protection de lui-même.

Question 8 : Où la procréation médicalement assistée atteint-elle ses limites ?

Les biotechnologies sont bien plus que des outils complexes. Elles façonnent nos perceptions du monde, nos images de nous-mêmes et de l'être humain, ainsi que les pratiques sociales qui en découlent. Les hommes d'autrefois étaient confrontés à des défis de survie incomparablement plus importants que les nôtres, mais à des problèmes de responsabilité gérables. Aujourd'hui, la survie ne pose pas de problème comparable, du moins chez nous. En revanche, l'organisation de la vie bonne dans un monde complexe et souvent ambigu représente un défi énorme. Plus les limites de l'indisponibilité sont repoussées, plus les espaces de décision et de responsabilité s'élargissent.

Grâce aux techniques modernes de procréation médicalement assistée, la parentalité et l'absence d'enfants non désirés ne sont plus une fatalité pour de nombreux couples, même s'ils sont menacés de stigmatisation. Inversement, les biotechnologies permettent des interventions médicales d'une profondeur inconnue jusqu'alors et aux conséquences étendues, voire imprévisibles. Par le passé, les débats au sein de l'Église ont été marqués par l'indisponibilité de la vie humaine (non née) en tant qu'expression de l'image de Dieu, d'une part, et par l'autodétermination personnelle en tant qu'espace de probation de la liberté chrétienne, d'autre part. Ces deux orientations sont indispensables à une position ecclésiale informée par la théologie biblique et réfléchie sur le plan éthique. La dignité et la liberté des parents et des couples qui souhaitent avoir un enfant méritent la même reconnaissance que la dignité et la liberté des enfants nés et à naître. Ces conditions sont remplies pour les couples qui deviennent parents de leur propre et libre volonté. En revanche, pour les enfants à venir, ils n'existent qu'en tant que promesse préalable des futurs parents. Parce que le droit ne protège la vie prénatale que dans des limites étroites, tout dépend de la promesse parentale de reconnaître, de prendre en compte et de protéger la dignité et la liberté de l'enfant à venir à tous les stades de la vie prénatale.

C'est pourquoi la procréation médicalement assistée atteint fondamentalement ses limites lorsqu'elle confronte les futurs parents à des informations, des options d'action et des situations de décision qui ne tiennent pas compte de la relation sans réserve des parents avec leur futur enfant, la remettent en question ou la perturbent sensiblement. Lorsque des couples ont recours à la procréation médicalement assistée pour choisir un enfant en fonction de leurs propres intérêts ou pour le concevoir génétiquement, la dignité et la liberté des personnes à venir sont limitées et bafouées. Dans ces cas, ce n'est pas le procédé de procréation médicalement assistée en soi qui est précaire, mais les intentions avec lesquelles il est utilisé.

D'un point de vue réformé, l'action en matière de procréation médicalement assistée doit être orientée de manière à ce que les êtres humains qui en sont issus se comprennent et se vivent toujours et directement comme des créatures de Dieu et soient perçus comme tels par leurs semblables.

Question 9 : Quel jugement éthique peut-on porter sur l'absence involontaire d'enfant ?

La procréation médicalement assistée répond aux désirs d'enfants non satisfaits des couples. Le désir parental ne porte ni sur un traitement médical, ni sur un embryon particulier, mais sur un enfant à soi, si possible en bonne santé. Cela vaut pour les couples de sexe différent comme pour les couples de même sexe. Pour le Tribunal fédéral suisse, le "désir d'enfant" constitue "une manifestation élémentaire de la personnalité". C'est pourquoi chaque femme et chaque homme a le droit de pouvoir décider librement et sans influence extérieure d'avoir ou non un enfant. Les couples souffrant d'infertilité doivent pouvoir bénéficier d'une assistance médicale à la procréation pour réaliser leur désir d'enfant, ou du moins ne pas être empêchés par l'État de pouvoir recourir à de telles mesures.

La définition de l'infertilité donnée par le législateur est à la fois biologique et médicale. En revanche, il exclut (jusqu'à présent) une infertilité d'origine sociale liée à la constellation sexuelle. Il justifie cette inégalité de traitement juridique par le fait que les couples homosexuels ne peuvent pas eux-mêmes concevoir et donner naissance à une descendance. L'argument du naturel ignore le fait que la reproduction artificielle vise ipso facto à contourner et à remplacer les processus naturels. Du point de vue de la procréation médicalement assistée, les conditions de départ, le but du traitement et la perspective d'objectif parental des couples de sexe différent et de même sexe sont les mêmes : il s'agit d'obstacles à la procréation qui peuvent être surmontés médicalement pour permettre aux couples d'avoir un enfant et de fonder ainsi leur propre famille.

La nature ne limite pas les désirs humains, mais leur réalisation. La technique vise depuis toujours à dépasser les limites de la nature. Il serait donc paradoxal de justifier les restrictions d'accès aux techniques par la nature. Des limites sont fixées moralement et juridiquement, par exemple lorsque l'utilisation d'une technique détruirait irrémédiablement un bien naturel souhaitable. L'assistance médicale à la procréation pour les couples de même sexe en vue d'avoir leur propre enfant ne détruit pas la nature.

Le seuil de naturalité ne justifie pas pourquoi le désir d'enfant non réalisé ne compte pas pour les couples de même sexe par rapport aux couples de sexe différent. L'inégalité de traitement juridique défend une causalité naturelle qui a été dépassée depuis longtemps par la procréation médicalement assistée. Ainsi, une restriction naturelle, qui peut être surmontée techniquement, devient une nouvelle frontière artificielle à l'effet discriminatoire. L'absence d'enfant non désirée et les désirs d'enfant non réalisés ont des causes médicales et sociales et doivent être perçus et pris au sérieux comme un destin existentiel qui touche tous les aspects de la personne.

Question 10 : Que signifie être un parent responsable dans un contexte de procréation médicalement assistée ?

Le nouveau départ à chaque naissance se fonde sur la promesse divine :

"Avant de te former dans le ventre de ta mère, je t'ai connu" (Jr 1,5). D'un point de vue ecclésial et théologique/éthique, les droits individuels à la liberté et à la personnalité des (futurs) parents et des (futurs) enfants, d'une part, et l'action de bénédiction de Dieu qui crée la relation, d'autre part, sont indissociables. La perspective juridique individualisante ne peut pas expliquer comment des membres individuels d'une famille deviennent une relation qui n'est pas dans tous les cas volontaire et que chaque personne constitue et détermine à sa manière. Comment des personnes autodéterminées peuvent-elles, en tant que couple, devenir - bibliquement parlant - "un" et "une seule chair" (Mt 19,5 sqq.) et qu'est-ce que cela fait à leur liberté personnelle ?

La relation existentielle de l'enfant à ses parents est si fondamentale que même le caractère volontaire du comportement des parents envers leur enfant devient douteux. La perspective de l'autonomie n'est pas suffisante pour appréhender de manière adéquate les relations parents-enfants. Elle ne tient pas compte de l'action essentiellement représentative des parents pour leur enfant, ni de la dépendance existentielle de l'enfant vis-à-vis de ses parents. La liberté de procréation ne doit pas être déterminée dans la perspective de sujets solitaires, mais de manière relationnelle, en tant que relations vécues. Les relations parents-enfants reposent sur un auto-engagement parental qui va bien au-delà des intérêts personnels propres. Cela correspond au risque pris à chaque conception, grossesse et naissance. La naissance d'un enfant n'est pas un acte, ni de la mère qui accouche ni de l'enfant qui naît, mais un accueil du monde pour l'enfant et de l'enfant pour le monde. La conception n'est pas un processus que l'on peut décrire biologiquement ou médicalement, mais un événement par lequel commence l'histoire familiale commune des parents et de l'enfant.

Les relations parents-enfants sont un don qui attire l'attention sur trois caractéristiques de l'existence des créatures : "l'humilité, la responsabilité et la solidarité. [...] Dans un monde social qui valorise la domination et le contrôle, la parentalité est une école d'humilité. Le fait que nos enfants comptent beaucoup pour nous, mais que nous ne puissions pas choisir lesquels nous voulons, apprend aux parents à être ouverts à ce qui n'a pas été demandé. Cette ouverture est une attitude qui vaut la peine d'être affirmée, non seulement dans les familles, mais aussi dans le reste du monde. Elle nous invite à supporter ce qui n'a pas été dit, à vivre avec le désaccord, à réfréner le besoin de contrôler".

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